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La phéromonothérapie par Patrick Pageat

La phéromonothérapie en médecine des carnivores domestiques est une technique médicale dans le traitement des troubles comportementaux, la gestion et la prévention des situations de stress chez ces espèces. Voici la Phéromonothérapie vue par celui qui l'a inventé.

Pourquoi et comment vous êtes-vous intéressé aux phéromones animales ?

 

Les chats marqueurs comme premier point d'entrée 

Il faut d’abord préciser que mon point d’entrée dans le monde de l’éthologie s’était produit par l’entomologie. Passionné d’insectes depuis mes années d’école primaire, je me suis passionné pour le comportement des insectes et j’ai finalement mené les recherches de mon PhD dans ce domaine.

Lorsque j’ai créé la consultation de pathologie du comportement à l’école vétérinaire de Lyon, il est rapidement apparu que l’un des motifs de consultation dominants, pour les chats, était le marquage urinaire. A l’époque, on castrait, on donnait des hormones, et certains auteurs proposaient des chirurgies très mutilantes comme la section des pédoncules olfactifs, (une partie de l’encéphale qui intervient dans l’acheminement des informations olfactives vers le reste du cerveau) mais aussi la section des muscles péniens (le chat n’asperge plus vers le haut quand il fait du marquage, mais il urine toujours), et puis finalement on abandonnait ou on euthanasiait. Fort de ma formation initiale en éthologie, j’ai décidé d’observer ces chats marqueurs. J’ai ainsi pu constater qu’ils ne marquaient plus ou beaucoup moins, en frottant leurs joues sur les objets bordant leurs déplacements. Ce comportement de marquage était aussi observable chez d’autres félins comme le tigre. J’ai pensé que les chats déposaient quelque chose qui jouait un rôle dans leur stabilité émotionnelle, leur confiance dans leur territoire. J’ai donc essayé de recueillir ces sécrétions pour les analyser.

Les débuts ont été très décevants, les analyses semblaient impossibles, les prélèvements semblaient ne rien contenir. En revanche, quand j’utilisais des compresses en les plaçant là où les chats avaient pulvérisé de l’urine, ils cessaient de renouveler ce marquage. J’ai donc insisté et nous avons finalement trouvé un meilleur moyen de prélever ces sécrétions et nous avons trouvé des molécules intéressantes. C’est comme ça que l’idée de creuser ce domaine m’est venue.

 

 Que pensiez-vous découvrir ?

Je cherchais des phéromones impliquées dans la façon dont le chat organisait son espace, son territoire. Il me semblait évident que l’anxiété observée chez ces chats marqueurs, trouvait son origine dans une perturbation des marques qu’ils avaient déposées. Mon idée était donc de restaurer ces marques au moyen de marques synthétiques, pour aider le chat à se réadapter.

 

Comment, ont été perçues vos recherches dans le monde scientifique ?

 

Du premier dépot de brevet, aux publications scientifiques. 

Avec énormément de scepticisme. Celui-ci avait quatre causes principales.

- La première est liée à la façon dont on comprenait la communication chimique à l’époque. L’idée que les mammifères puissent être influencés, comme les insectes, par des signaux chimiques innés, était considérée comme insensée par de nombreux éthologistes.

- La deuxième était également liée à l’a priori scientifique de l’époque qui considérait les phéromones comme des sécrétions ne contenant qu’un seul composant actif. Présenter une sécrétion comprenant plusieurs composants associés, apparaissait comme une preuve évidente que ce que je présentais ne pouvait pas être une phéromone. La troisième raison était très propre au monde vétérinaire, on n’enseignait pratiquement pas l’éthologie et si on parlait un peu de phéromones, c’était seulement de phéromones sexuelles. Prétendre traiter des animaux avec un produit diffusé dans l’air, avait tout à fait les aspects caractéristiques d’une escroquerie.

- Enfin, la quatrième a résulté de la stratégie que j’ai adoptée pour développer Phérosynthèse (l’ancêtre de l’IRSEA). Il fallait autofinancer la recherche. Donc j’ai commencé par breveter mes premiers résultats sur la composition des sécrétions et leurs principaux effets, sans prendre le temps de publier des articles scientifiques. Cette stratégie a payé en permettant de négocier un contrat de licence de brevet avec SANOFI Santé Animale, l’ancêtre de CEVA. La situation s’est renversée quand j’ai pu réinvestir dans des travaux fondamentaux et lancer des publications et des coopérations scientifiques. 

 

 Pour vous qu’est-ce que la phéromonotherapie et ses enjeux ?

 

La nouvelle voie pharmacologique

Je pense que c’est la nouvelle voie pharmacologique. La pharmacologie moderne s’est construite en associant la compréhension de la physiologie, et celle des interactions entre la structure moléculaire des molécules employées et les récepteurs sur lesquels elles vont agir. Cette approche a permis de concevoir des molécules toujours plus précises, en partant des principes actifs natifs, ceux qu’on pouvait trouver dans la nature. On a ainsi pu concevoir des antibiotiques, des psychotropes, des anti-inflammatoires, des anti-cancéreux, plus précis et plus efficaces.

Un certain nombre de domaines du vivant sont restés peu explorés et donc inexploités. C’est le cas des sémiochimiques. L’idée d’une sémiochimie appliquée à la médecine et à l’agriculture, a été le fil rouge de mes travaux et reste l’axe directeur de notre institut IRSEA et de notre groupe. Cette approche permet d’imaginer d’interagir avec d’autres espèces, d’infléchir certains phénomènes biologiques, sans chercher à détruire, à bloquer. Il s’agit aussi de le faire avec des outils assez précis pour éviter les effets collatéraux sur la physiologie des sujets cibles ou sur l’environnement. Cette nouvelle branche de la pharmacologie, est entrée dans une nouvelle ère, qui signe sa maturité. Jusqu’ici, nous avons observé les animaux et les plantes, nous avons noté les moments où ils semblaient émettre quelque chose, nous avons localisé le lieu d’émission, capturé ces messages et nous les avons analysés pour finalement les copier et les utiliser.

Aujourd’hui, nous avons commencé à comprendre ce code, grâce à nos travaux sur les récepteurs, la physiologie de l’organe voméro-nasal et à la physiologie des glandes émettrices. Nous avons commencé à créer des sémiochimiques qui n’existent pas chez les espèces cibles, pour infléchir certains comportements notamment chez les animaux de compagnie ou d'élevage ou encore dans l'interactions hôtes-parasites. Il s’agit d’une véritable révolution dans la gestion de nos interactions avec le reste du monde vivant.

 

 

 

 

 

 

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